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Vivre face à une conjonction de crises : sanitaire, environnementale, climatique, économique, ou tout simplement l’absence de durabilité systémique ?

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Article Publié 01/07/2021 Dernière modification 23/08/2021
7 min read
Photo: © Nunzio Santisi, Picture2050/EEA
Des coulisses de la vie politique aux forums universitaires, les conversations portent sur les crises mondiales : une crise sanitaire, une crise économique et financière, une crise climatique et une crise environnementale. En fin de compte, elles sont toutes révélatrices du même problème : nos modes de production et de consommation non durables. Le choc de la COVID-19 n’a fait que dévoiler la fragilité systémique de notre économie et de nos sociétés mondialisées, avec toutes leurs inégalités.

Pour parvenir à une viabilité réelle et durable, il faudra également lutter contre les inégalités sociales. Cela soulève la question de la gouvernance : comment garantir l’accès aux ressources et un environnement sain pour tous ?

Hans Bruyninckx, directeur exécutif de l’AEE

Depuis 1950, la population mondiale a plus que triplé, atteignant presque 8 milliards d’individus, et le produit de l’activité économique a été multiplié par 12. Cette croissance énorme a été portée par une augmentation considérable de notre utilisation des ressources naturelles telles que les sols, l’eau, le bois de construction et d’autres matières premières, notamment les minéraux et les ressources énergétiques. Si cette accélération considérable a permis à des centaines de millions de personnes d’échapper à la pauvreté, elle a également eu des conséquences destructrices pour les écosystèmes et a été à l’origine du changement climatique. Au niveau planétaire, 75 % du milieu terrestre et 40 % du milieu marin sont gravement affectés. Le rejet dans l’atmosphère de gaz à effet de serre produits par la combustion continue des énergie fossiles, aggravé par les modifications de l’affectation des sols et la déforestation, constitue la cause du changement climatique.

La numérisation galopante des activités à laquelle nous assistons est le principal moteur de la mondialisation. Celle-ci est matérialisée par des réseaux de routes commerciales bien établies qui interconnectent la presque totalité des régions du globe, ce qui permet l’approvisionnement en matières premières, pièces ou produits finis du marché mondial de la consommation. La demande de matières premières devrait doubler d’ici à 2060 alors que nous consommons déjà des ressources équivalant à ce que trois planètes Terre peuvent offrir. De plus, nous sommes actuellement incapables d’empêcher que des quantités considérables de déchets soient déversées dans l’environnement et la production annuelle de déchets devrait augmenter de 70 % d’ici à 2050. Les objectifs de neutralité carbone ou le développement des équipements TIC peuvent exercer une pression supplémentaire sur les réserves de terres rares et de minéraux déjà fortement sollicitées.

COVID-19: une brève suspension d'activités pour les marchés mondiaux?

La COVID-19 et les mesures de confinement ont affecté les modes de consommation et de production dans une certaine mesure. Certains secteurs, tels que le tourisme ou le voyage, ont été frappés de plein fouet et de nombreuses chaînes d’approvisionnement ont également subi les conséquences du confinement. La mise à l’arrêt d’infrastructures de production en Chine et dans d’autres pays exportateurs au cours des premiers mois de la période de confinement a entraîné des retards dans la livraison de certains produits ; de manière similaire, l’accident maritime qui a bloqué le trafic dans le canal de Suez pendant plusieurs jours a provoqué des pénuries et des retards dans l’approvisionnement des marchés européens. La COVID-19 n’a pas seulement provoqué des perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, elle a également réduit la demande.

La pandémie a révélé à quel point notre économie et nos sociétés s’inscrivent dans un maillage étroit et sont interdépendantes. Qu’elle soit sanitaire ou économique, une crise peut facilement se propager et ses effets peuvent se disséminer dans le monde entier, à moins que des mesures coordonnées et décisives ne soient déployées simultanément dès son apparition.

La COVID-19 a également provoqué un accroissement de la demande mondiale et du marché des équipements de protection individuelle tels que les masques faciaux et les gants. Les préoccupations en matière de santé ont logiquement pris un ordre prioritaire par rapport aux dommages environnementaux causés par les plastiques à usage unique. Dans le même temps, le ralentissement économique s’est accompagné de la réduction de la production d’emballages en plastique dans l’Union. Ces changements peuvent avoir une incidence sur le rythme et l’ampleur des progrès de l’Union dans la réalisation de ses objectifs fixés avant la pandémie. Une note d’information de l’AEE, qui sera publiée ce mois-ci, explore les conséquences de la COVID-19 concernant les plastiques à usage unique dans l’environnement européen.

Au cours de sa deuxième année, la crise provoquée par la COVID-19 prend un aspect différent dans les divers pays. Les pays connaissant des taux de vaccination élevés commencent à lever progressivement les restrictions, amorçant le retour à une vie normale. Forts de leur bilan de plus de 70 doses administrées pour 100 habitants, les États membres de l’Union peuvent se concentrer sur la crise économique et les plans de relance. Les activités économiques et la consommation redémarrent. Dans le même temps, la crise sanitaire continue de sévir intensément dans les pays offrant un accès très limité à la vaccination, ce qui met en évidence le paradoxe des inégalités mondiales dans un monde étroitement connecté.

La pandémie a également suscité une réflexion et motivé une action par rapport à ces inégalités, incitant les pays à revenu élevé ou moins affectés par la pandémie à offrir une aide aux pays plus durement frappés sous la forme de fournitures médicales, de respirateurs et désormais de vaccins. Le mois dernier, les dirigeants de l’Union se sont engagés à faire don de 100 millions de doses de vaccins contre le coronavirus aux pays démunis. Les dirigeants du G7 se sont ensuite engagés à offrir un milliard de doses aux pays à faible revenu en 2021. Malheureusement, force est de constater que ces chiffres restent nettement inférieurs aux besoins réels évalués à 10 milliards de doses par l’OMS.

Répartition inégale des ressources, impacts et avantages

L’édition 2019 du rapport établi par le Groupe international d'experts sur les ressources, intitulé « Perspectives des ressources mondiales » confirme que l’utilisation des ressources naturelles et les profits et les impacts environnementaux qui en résultent sont répartis de manière inégale entre les pays et les régions. Les pays à revenu élevé, notamment les États membres de l’Union, continuent de consommer beaucoup plus de matières premières et de provoquer des dommages environnementaux nettement plus importants que le groupe des pays à faible revenu.

Le nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire de mars 2020 constitue la pierre angulaire des efforts déployés par l’Union européenne concernant l’utilisation des ressources. Le plan comprend un large éventail d’actions portant sur la conception des produits, les processus d’économie circulaire, une consommation plus durable et la prévention des déchets. Il requiert et précise des actions dans les principales filières de création de valeur des produits, notamment l’électronique et les TIC, les batteries, les emballages, les plastiques, les textiles, les bâtiments et la construction, ainsi que l’alimentation, l’eau et les nutriments. En tant que tel, il s’agit de l’une des principales composantes du pacte vert pour l’Europe (la réponse globale de l’Union européenne aux défis environnementaux, climatiques et socio-économiques) et il revêt une grande importance pour orienter les investissements tant pour la relance post-COVID que pour une transition durable de notre modèle économique.

La dimension sociale et la question de la gouvernance sont essentielles pour mieux reconstruire

Au sein de l’AEE, nous concevons nos activités en relation étroite afin de surveiller l’environnement, de favoriser la progression vers l’économie circulaire et de recenser les possibilités en matière de politiques et de modèles commerciaux circulaires autour de ces principales filières de création de valeur des produits. Nous continuerons à soutenir les décideurs politiques européens concernant ces principales filières de création de valeur des produits et à contribuer aux évaluations des ressources planétaires par l’intermédiaire du Groupe international d'experts sur les ressources. Alors que l’économie commence à se redresser, parviendrons-nous à mieux reconstruire ?

Parvenir à une utilisation durable des ressources en Europe et dans le monde nécessite des changements fondamentaux dans nos systèmes de production et de consommation. Le véritable défi ne consiste pas à rendre les processus de production plus efficaces, loin de là. Il ne sera pas possible de parvenir à une soutenabilité réelle et durable, sans également lutter contre les inégalités sociales. Cela soulève la question de la gouvernance : comment garantir l’accès aux ressources et un environnement sain pour tous ? L’AEE continuera à intégrer la dimension sociale et la question de la gouvernance dans les discussions politiques et les évaluations concernant la soutenabilité.

 Hans Bruyninckx

Hans Bruyninckx

Directeur exécutif de l’AEE

Éditorial publié dans la lettre d’information de l’AEE, juin 2021

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