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Comment rendre la consommation et la production de textiles plus durables?

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Article Publié 23/08/2023 Dernière modification 23/08/2023
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Les citoyens sont de plus en plus conscients des incidences de notre consommation sur la nature et le climat. Les vêtements et les autres textiles constituent l’une des principales catégories de consommation. Nous avons parlé à Lars Mortensen, expert de l’AEE en matière d’économie circulaire, de consommation et de production, qui a préparé plusieurs évaluations portant sur les textiles et leurs incidences sur l’environnement.

Quelles sont les principales incidences des textiles?

La production et la consommation de textiles dans l’Union européenne ont des incidences importantes sur l’environnement et le climat. En contribuant au plan d’action de l’UE en faveur de l’économie circulaire, l’AEE a estimé dans sa note d’information sur les textiles et l’environnement que, dans une perspective de cycle de vie mondial et pour des pressions sélectionnées et mesurables, la consommation de textiles en Europe est la quatrième source de pression, par ordre d’importance, sur l’environnement et le changement climatique, après le logement, l’alimentation et la mobilité.

Concrètement, nous avons montré que la consommation de textiles ala troisième plus importante  utilisation des terres et d’eau dans la chaîne de valeur, mais aussi la cinquième plus grande  utilisation des ressources matérielles et des émissions de gaz à effet de serre. De même, les textiles entraînent des pressions et des incidences du fait de leurs ingrédients chimiques et nous étudierons cette année les quantités et les effets des PFAS contenues dans les textiles.

Nos résultats dans le domaine des textiles ont constitué une base de connaissances pour la stratégie de l’UE pour des textiles durables et circulaires, qui a vu le jour en mars 2022 et que le Parlement européen utilise actuellement pour élaborer son avis sur la stratégie de l’UE en matière de textiles.


Qu’advient-il actuellement des vêtements mis au rebut dans l’UE?

En Europe, la majorité des textiles usagés se retrouve actuellement dans les déchets municipaux, qui sont incinérés à des fins énergétiques. Nous ne connaissons néanmoins pas le volume exact de ce flux de déchets. En moyenne, 38 % des textiles sont donnés à des fins de réutilisation et de recyclage, mais seuls 10 % environ des vêtements donnés sont vendus dans le même pays de l’UE et 10 % supplémentaires dans d’autres pays de l’UE. La plupart des autres textiles ayant fait l’objet de dons sont ensuite exportés vers l’Afrique et l’Asie.

Notre dernière note d’information sur les textiles intitulée «EU exports of used textiles in Europe’s circular economy'» (Exportations de textiles usagés de l’UE dans l’économie circulaire européenne) a montré que les exportations de textiles usagés de l’UE ont triplé en deux décennies pour atteindre près de 1,7 million de tonnes par an en 2019.

Environ 46 % de la quantité totale a été exportée vers des pays d’Afrique (principalement vers la Tunisie, le Ghana et le Cameroun), où un peu plus de la moitié a été réutilisée, le reste ayant été mis en décharge ou déversés. Environ 41 % ont été exportés vers l’Asie (principalement le Pakistan, les Émirats arabes unis et l’Inde), où certains textiles sont recyclés mécaniquement et d’autres exportés à Nouveau vers d’autres pays d’Asie et d’Afrique.

D’une manière générale, il existe une très grande incertitude quant à ces exportations et à ce qu’il advient de nos textiles usagés en Afrique, et davantage encore en Asie. Nous observons actuellement un grand intérêt médiatique et politique à cet égard. Tous les États membres de l’UE ont l’obligation de collecter les textiles séparément d’ici à 2025, après quoi nous nous attendons à une augmentation des quantités collectées de textiles réutilisés.


Que peuvent faire les décideurs politiques, les entreprises et les consommateurs pour réduire l’incidence des textiles usagés et leurs exportations?

Les décideurs politiques travaillent déjà à définir la meilleure façon de réduire l’incidence des textiles usagés exportés. Les pays de l’UE mettent actuellement en place des régimes de responsabilité élargie des producteurs, ce qui devrait se révéler utile, à l’instar de l’inclusion des textiles dans la directive révisée sur l’écoconception, qui vise à rendre les textiles sûrs et plus durables dès leur conception.

Il pourrait également être utile de mieux trier et codifier afin de distinguer les déchets textiles des textiles à réutiliser. Les entreprises peuvent également œuvrer à l’amélioration de la qualité, de la durabilité et de la réparabilité de leurs textiles, notamment pour que ceux-ci durent plus longtemps. Les consommateurs peuvent acheter des textiles de meilleure qualité s’ils le peuvent, porter ceux-ci plus longtemps et, par exemple, acheter des textiles réutilisés.


Quel rôle les fibres biologiques peuvent-elles jouer pour rendre les textiles plus durables?

Les fibres biologiques qui sont utilisées dans les vêtements et d’autres produits textiles sont souvent considérées comme des solutions de remplacement plus durables, mais un rapport technique du Centre thématique européen de l’économie circulaire et de l’utilisation des ressources de l’AEE montre que cette situation appelle à une certaine prudence.

Si les fibres biologiques peuvent permettre de s’éloigner des textiles synthétiques fabriqués à partir de matières plastiques (qui sont principalement dérivées du pétrole et du gaz), elles sont à l’origine d’autres nuisances sur l’environnement, notamment l’utilisation de l’eau et des terres liées aux activités agricoles, à la déforestation et au traitement des fibres.


Que fait l’UE pour lutter contre les effets néfastes des textiles?

Sur la base des connaissances fournies par l’AEE et d’autres acteurs, la Commission européenne a proposé une stratégie ambitieuse relative aux produits durables en mars 2022. Cette stratégie contient un assez grand nombre d’initiatives politiques concrètes réglementant l’industrie textile.

Un élément important à cet égard est l’inclusion des textiles dans la directive révisée de l’UE sur l’écoconception, qui devrait permettre une conception sûre et plus durable. Un autre est l’inclusion des textiles dans le passeport de produits de l’UE. En outre, la mise en place de régimes étendus de responsabilité des producteurs dans les États membres de l’UE est importante. Au total, selon Euratex, plus de 16 actes législatifs affecteront et réglementeront les textiles sur le marché de l’UE dans les années à venir.


Existe-t-il des initiatives prometteuses qui pourraient permettre d’abandonner la mode éphémère dans toute l’Europe?

La vision de la stratégie de l’UE en matière de textiles est que «la mode éphémère sera démodée» d’ici à 2030. Je dirais que la mode actuellement mise sur le marché est dominée par la mode éphémère. La partie de la mode qui n’est pas «éphémère», mais de grande qualité, réparable et plus intemporelle dans son design, ne représente encore qu’une très faible part du marché.

Il existe des initiatives prometteuses, mais elles ont du mal à se développer et à concurrencer la mode éphémère. J’espère, et je suis convaincu, que la mise en œuvre de la stratégie de l’UE en matière de textiles, et peut-être aussi l’accent mis sur les textiles dans le cadre de la politique mondiale, aideront l’industrie à passer de la mode éphémère à un système circulaire et durable de consommation et de production de textiles.

 

Lars Mortensen
Expert de l’AEE en matière d’économie circulaire

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