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De la production aux déchets: le système alimentaire

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Article Publié 10/07/2014 Dernière modification 05/11/2021
Photo: © Gülcin Karadeniz
Nous utilisons de plus en plus de ressources naturelles en raison de la croissance démographique, de la modification de nos modes de vie et de l’augmentation de notre consommation personnelle. Pour s’attaquer à une consommation qui n’est plus soutenable pour la planète, nous devons aborder le système des ressources dans sa globalité en y intégrant nos méthodes de production, les différents profils de demande et de chaînes d’approvisionnement. L’article qui suit est consacré à l’alimentation.

Le système alimentaire comprend en général toutes les matières premières, les processus et les infrastructures liés à l'agriculture, au commerce, à la vente en magasin, au transport et à la consommation de produits alimentaires. Comme l'eau et l'énergie, la nourriture est un besoin fondamental de l'être humain. L'alimentation doit non seulement être disponible pour le consommateur, mais aussi être de bonne qualité, diversifiée, accessible, sûre et, enfin, abordable. Il faut également prendre en compte le lien étroit entre notre santé et notre bien-être et la nourriture. La malnutrition et l'obésité sont deux problèmes de santé directement liés à la façon dont nous produisons, commercialisons et consommons nos aliments.

La consommation alimentaire des Européens a considérablement évolué au fil des ans. Ainsi, par rapport à l'alimentation des années 1950, nous mangeons actuellement, par personne, deux fois plus de viande. Cette consommation s'est diversifiée. Depuis 1995, la consommation de bœuf a diminué de 10 %. Dans le même temps, nous mangeons plus de volailles, de poissons et de fruits de mer, de fruits et de légumes.

L'UE est l'une des plus grandes régions productrices d'aliments dans le monde. Elle possède des terres propices à l'agriculture et utilise des systèmes modernes de production agricole. La productivité par hectare s'est considérablement accrue, particulièrement dans la seconde moitié du XXe siècle. Grâce à la diversité de ses terres et de ses climats, l'Europe est capable de produire une large palette de produits. Elle dépend pourtant de ses importations pour satisfaire ses besoins alimentaires.

La productivité agricole, en termes de rendement des cultures, a considérablement augmenté grâce à la monoculture (une même culture sur de grandes surfaces), à l'irrigation, à de meilleures machines et à plus d'intrants chimiques comme les pesticides et les engrais. Cette intensification a permis à l'Europe d'utiliser moins de terres pour produire plus d'aliments.

Pourtant, ce mode de production ne s'est pas fait sans un coût environnemental. Cette intensification exerce en effet une grande pression sur l'environnement: elle entraîne une forte pollution azotée et la libération de CO2 dans l'atmosphère, elle génère également une perte importante de la biodiversité des terres cultivées et la contamination des sols, des rivières et des lacs. Par ailleurs, l'accroissement de la quantité d'intrants externes pour augmenter le rendement des cultures entraîne souvent une diminution de l'efficacité énergétique globale. En d'autres termes, plus nous investissons d'énergie pour produire cette nourriture, moins nous récoltons de fait d'énergie alimentaire (calories) pour la société.

Waste bags

(c) Gülcin Karadeniz

Durabilité et productivité

Il est maintenant clair que l'Europe doit réduire l'impact environnemental de sa production agricole. Mais elle doit également continuer à produire des quantités similaires de nourriture pour satisfaire ses besoins propres et ceux de la population mondiale.

L'UE est l'une des plus grandes régions productrices et exportatrices d'aliments dans le monde. Toute réduction significative de sa production affecterait la production mondiale et par conséquent les prix alimentaires. Comment l'Europe peut-elle continuer à produire des quantités suffisantes de nourriture à un prix raisonnable tout en réduisant l'impact environnemental de son agriculture?

L'adoption de pratiques agricoles plus durables pourrait y contribuer. Les méthodes agro-écologiques offrent, par exemple, un moyen d'intensifier l'agriculture sans intrants chimiques de synthèse (engrais et pesticides) en utilisant des produits naturels et en exploitant les processus écologiques pour les cultures. Les techniques de l'agriculture de précision offrent le moyen de réduire l'usage des produits chimiques et donc leur impact environnemental.

Quelle que soit la méthode choisie, la production alimentaire doit rester suffisamment intensive pour que la productivité agricole satisfasse les besoins. De cette façon, l'utilisation des terres cultivables et la biodiversité ne seraient pas davantage compromises.

En outre, dans de nombreuses régions, l'agriculture constitue la principale source de revenus des communautés locales, sans parler de son intégration complète dans le tissu social et la culture locale. Toute mesure destinée à améliorer le système alimentaire devra prendre cet aspect social en compte.

Les mesures qui ne cibleront que l'aspect productif échoueront à rendre plus écologique l'ensemble du système alimentaire. Des gains d'efficacité supplémentaires sont néanmoins nécessaires pour les autres étapes du système comme le transport, la distribution et la consommation. Un changement des habitudes alimentaires vers moins de viande et plus de légumes allégerait par exemple la pression sur l'utilisation de l'espace agricole.

Avant d’arriver dans nos assiettes, les aliments doivent être produits, traités, conditionnés, transportés et distribués. Chaque étape utilise des ressources et génère encore plus de gaspillage et de pollution.

Gaspillage alimentaire

On estime qu'en Europe un tiers environ des aliments produits n'est pas consommé et que le gaspillage intervient tout au long de la chaîne de production. La Commission européenne a calculé que, dans la seule Union européenne, près de 90 millions de tonnes de nourriture (soit 180 kg par personne) sont gaspillées, dont une grande partie est parfaitement propre à la consommation humaine. Les déchets alimentaires sont par ailleurs identifiés comme l'un des domaines prioritaires à aborder dans la feuille de route de l'UE pour une Europe efficace dans l'utilisation de ses ressources.

Nous sommes nombreux à tenter dans nos foyers de réduire la quantité d'aliments que nous jetons. L'une des possibilités est d'essayer de préparer la quantité juste nécessaire de nourriture — ni trop, ni trop peu. On peut également être créatif dans l'utilisation des restes de la veille. Pourtant, en dépit de nos tentatives, une partie de la nourriture est inévitablement jetée: les fruits pourrissent et le lait finit par tourner. Les déchets alimentaires domestiques ne représentent cependant qu'une faible partie de la quantité totale de nourriture gaspillée. De grandes quantités de nourriture ont déjà été gaspillées bien avant d'atteindre nos réfrigérateurs.

La quantité de nourriture gaspillée à chaque étape de production n'est pas connue à l'échelle européenne. Il n'existe pas de données comparatives et fiables à ce sujet, spécialement en ce qui concerne les déchets alimentaires générés lors de la production agricole ou de la pêche. Certaines analyses par pays sont pourtant disponibles.

Analyse du gaspillage alimentaire en Suède

Selon une étude de l'Agence suédoise de protection de l'environnement, les Suédois ont gaspillé 127 kg de nourriture par personne en 2012. Ces données ne tiennent pas compte de la nourriture gaspillée lors des étapes de production (agriculture et pêche) ni du gaspillage inévitable des industries de transformation alimentaire.

Sur ce total, 81 kg proviennent des foyers suédois, 15 kg des restaurants, 7 kg des supermarchés et 6 kg des services de restauration. L'étude suédoise a également estimé la quantité de nourriture qui aurait pu être consommée. Ces recherches ont permis d'identifier plusieurs possibilités d'amélioration. Au total, 91 % des déchets alimentaires générés dans les supermarchés, 62 % de ceux provenant des restaurants, 52 % des déchets dans les services de restauration et 35 % de ceux jetés par les foyers ont ainsi été qualifiés par les chercheurs de «gaspillage inutile».

Une partie du gaspillage alimentaire provient de la volonté des acteurs du secteur de se conformer à la législation existante protégeant la santé publique et le consommateur. Les aliments contaminés retirés des rayons constituent bien sûr un gaspillage de ressources, mais leur retrait est une mesure préventive nécessaire pour protéger notre santé.

D'autres mesures sont moins évidentes. Ainsi, la date dite «de péremption» affichée sur les produits alimentaires ne signifie pas nécessairement que le produit est mauvais d'un jour à l'autre, mais que sa qualité va décroître à partir de la date indiquée. Cela signifie que ces produits sont toujours consommables après cette date; ils sont pourtant retirés des rayons car le consommateur ne les achètera pas. La satisfaction du consommateur (concernant le choix des aliments, les rayonnages amplement garnis ou leur apparence par exemple) peut également conduire au gaspillage lors de cette étape de la distribution.

Le destin des aliments invendus dépend des pratiques de gestion des déchets. La nourriture invendue peut être utilisée comme fourrage, compostée ou valorisée énergétiquement, ou finir dans les décharges.

Environ un tiers des aliments produits dans le monde est perdu ou gaspillé. Les déchets alimentaires représentent une perte importante en autres ressources, telles que le sol, l’eau, l’énergie et la main-d’oeuvre.

Ce que nous gagnons dans un système est aussi bénéfique pour un autre système

Chaque fois que nous gaspillons de la nourriture, nous gaspillons aussi la terre, l'eau, l'énergie et tous les intrants utilisés pour générer ces aliments que nous ne consommons pas. Par conséquent, toute diminution du gaspillage alimentaire implique un bénéfice potentiel pour l'environnement. Si nous réduisons la quantité de nourriture gaspillée tout au long du système alimentaire, nous aurons besoin de moins de terres, d'eau, d'engrais, d'énergie, de transport, de ramassage des déchets, de recyclage, et ainsi de suite.

Extrapolant cette réalité dans le contexte d'une économie verte, améliorer l'efficacité des ressources d'un système facilite d'autant la diminution de la consommation en ressources d'un autre système. Il s'agit donc presque toujours d'un scénario gagnant-gagnant.

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