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De l'eau pour l'agriculture

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Article Publié 12/12/2012 Dernière modification 11/05/2021
Photo: © agrilifetoday | flickr.com
Nous avons besoin de nourriture et d'eau douce propre pour produire notre nourriture. En raison de la demande croissante par les activités humaines d'une part et du changement climatique d'autre part, de nombreuses régions, en particulier dans le Sud, éprouvent des difficultés à trouver les quantités d'eau douce nécessaires à la satisfaction de leurs besoins. Comment pouvons-nous continuer à cultiver sans assoiffer la nature? Une utilisation plus efficace de l'eau dans l'agriculture y contribuerait certainement.

Un tiers de l'eau utilisée en Europe est destiné au secteur agricole. L'agriculture affecte la quantité mais également la qualité de l’eau disponible pour d'autres utilisations. Dans certaines parties d’Europe, la pollution engendrée par les pesticides et engrais utilisés pour l'agriculture, demeure l’une des causes majeures de la pauvre qualité de l’eau.

Nos industries, nos modes de vie et les besoins personnels de nos populations croissantes concurrencent également la nature pour l'utilisation de l'eau propre. Le changement climatique ajoute un élément supplémentaire d'incertitude sur la disponibilité des ressources en eau. Avec les perspectives de changements  des régimes de précipitations, certaines parties d'Europe devraient avoir à l'avenir plus et d'autres moins d'eau douce disponible. Face à une demande croissante et au changement climatique, de nombreux utilisateurs, y compris la nature, devront lutter pour répondre à leurs besoins en eau. En cas de pénurie d'eau, l'industrie et les ménages ont les moyens de développer des techniques afin de diminuer leur consommation, mais nos écosystèmes assujettis à l’eau risquent d'être irréversiblement dégradés. Cela affecterait bien plus que la vie autour d'un plan d'eau particulier. Cela nous affecterait également.

Avec l’adoption de bonnes pratiques agricoles et des politiques d'accompagnement adéquates il est possible d’enregistrer des gains importants en matière d’utilisation efficace de l'eau dans le domaine de l'agriculture. Cela signifierait d’avantage d'eau disponible pour d'autres utilisateurs, la nature en particulier.

Commencer par une irrigation efficace

Un des domaines pour lesquels l’adoption de nouvelles pratiques et politiques pourrait donner de très bons résultats en matière d’efficacité d’utilisation de l’eau est l’irrigation. Dans les pays d'Europe du sud tels que la Grèce, l'Italie, le Portugal, Chypre, l'Espagne et le sud de la France, les conditions arides ou semi-arides nécessitent l'usage de l'irrigation. Dans ces zones, près de 80% de l'eau utilisée en agriculture est destinée à l'irrigation.

Toutefois, l'irrigation n’a pas à consommer autant d'eau. Les gains en matière d’efficacité d’utilisation de l’eau sont déjà obtenus en Europe grâce à l'efficacité du transport (la proportion d'eau absorbée livrée au champ) et l'efficacité d'application au terrain (l'eau réellement utilisée par une culture en relation avec le volume total d'eau délivré à cette culture). En Grèce, par exemple, une amélioration du transport et des réseaux de distribution efficaces ont conduit à un gain d'efficacité d'eau estimé à 95% comparé aux méthodes d'irrigation précédemment utilisées.

La politique joue un rôle crucial dans l’incitation du secteur agricole à adopter des pratiques d'irrigation plus efficace. Dans le passé, par exemple, les politiques de tarification d'eau de certains pays européens n’obligeaient pas nécessairement les fermiers à utiliser l'eau de façon efficace. Les fermiers devaient rarement payer le prix réel de l'eau reflétant les coûts en termes d'environnement et de ressources. De plus, les subventions agricoles obtenues par la Politique agricole commune (PAC) de l'UE et d'autres mesures ont indirectement encouragé les fermiers à produire des cultures consommant beaucoup d'eau avec des techniques inefficaces. Dans la province de Cordoue, par exemple, l'efficacité de l'irrigation du coton a augmenté d'environ 40% après le découplage partiel de subventions de la production cotonnière en 2004. Une structure de tarification favorisant les utilisations efficaces ainsi que la suppression des subventions agricoles défavorables peut certainement apporter des réductions significatives de la quantité d'eau utilisée pour l’irrigation dans l'agriculture.

Changer notre manière de procéder

Outre les modifications des techniques d'irrigation, des économies d'eau et de coût peuvent également être obtenus via des programmes de formation et de partage de connaissances enseignant aux fermiers les pratiques permettant une utilisation plus efficace de l'eau. En Crète, par exemple, des économies d'eau de 9 à 10% ont été obtenues grâce à l'utilisation d'un service d'irrigation consultatif. Le service informe les fermiers par téléphone sur le moment et la manière d'utiliser l'eau dans les cultures en se basant sur les estimations quotidiennes des conditions affectant les cultures.

Changer les pratiques agricoles peut également apporter une amélioration à moindre coût de la qualité de l'eau disponible pour d'autres utilisateurs d'eau. L'utilisation de fertilisants et pesticides biologiques et non biologiques, par exemple, peut permettre d’aborder de nombreux problèmes de la pollution de l’eau par l'agriculture. Il y a en outre un potentiel significatif d'amélioration de la qualité de l'eau en Europe avec peu ou pas d'impact sur la rentabilité ou la productivité ; par exemple, en réduisant l’utilisation des pesticides, en modifiant les rotations de cultures et en créant des zones tampons le long des cours d'eau.

Utiliser les eaux usées dans l'agriculture

L’utilisation des eaux usées dans l'agriculture signifie une disponibilité plus importante d’eau douce,  pouvant être utilisée pour d'autres besoins, y compris pour la nature et les ménages. Si la qualité de l'eau recyclée est bien gérée, les eaux usées traitées peuvent fournir une alternative efficace pour répondre à la demande en eau de l'agriculture.

L'utilisation des eaux usées traitées pour l'agriculture apporte d’ores et déjà des avantages significatifs dans la gestion de l’eau de certains pays européens. À Chypre, par exemple, les objectifs d'eau recyclée pour 2014 correspondent à environ 28% de la demande d'eau agricole en 2008. En Grande Canarie, 20% de l'eau utilisée par tous les secteurs provient des eaux usées traitées, y compris l'irrigation de 5 000 hectares de tomates et 2 500 hectares de plantations de bananes.

Bien comprendre les politiques

Pour un avenir où l'eau disponible sera en mesure de répondre aux besoins de nos écosystèmes ainsi qu’à nos besoins de consommation, nous devons définir les bonnes stratégies afin de soutenir des mesures efficaces. La directive-cadre sur l'eau de l'UE (DCE) a contribué à cet objectif en encourageant les changements dans les pratiques agricoles susceptibles d’améliorer la quantité et la qualité de l'eau en Europe. Toutefois, une évolution de la Politique agricole commune (PAC) et de l’élaboration du prix de l'eau au niveau national est toujours nécessaire afin de s’assurer de leur support des objectifs de la DCE. Le projet de protection des ressources en eau de l’Europe, devant être publié par la Commission à la fin de cette année, portera sur les possibilités d’améliorer l’utilisation des ressources en eau de façon efficace et sur les options politiques correspondantes. La gestion de l'eau dans l'agriculture bénéficierait certainement d'une attention accrue de la part de la CAP en matière d'efficacité des ressources et des services de l'écosystème.

L’utilisation plus efficace de nos ressources en eau par l’agriculture ne représente qu’une des mesures à prendre pour réduire notre impact sur l'environnement. Sans cela, nous ne pouvons pas élaborer une économie basée sur une utilisation efficace des ressources, ni construire un avenir durable.

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