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Les activités humaines gagnent du terrain, au détriment des terres et des sols

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Article Publié 02/12/2015 Dernière modification 11/05/2021
Photo: © Roger Langohr
Les terres et les sols sont essentiels pour les systèmes naturels et la société humaine, mais les activités de l'homme menacent le fonctionnement des ressources terrestres globales, y compris les sols. Pourquoi cette évolution? Que fait l'Europe en termes de prévention? 2015 étant l'Année internationale des sols, nous avons posé ces questions à Geertrui Louwagie, chef de projet à l'AEE, responsable de l'évaluation du sol ainsi que du rapportage.

Quels sont les problèmes menaçant les terres et les sols?

Les terres et les sols sont des ressources limitées et non renouvelables qui continuent de se dégrader, ceci altérant leur fonctionnement biologique et leur capacité à produire des bénéfices. Les cultures alimentaires, la production de biomasse et de biocarburant, le stockage du carbone, la biodiversité des sols, la filtration de l'eau et le recyclage des nutriments, et la fourniture des matières premières sont autant de processus exposés à des pressions grandissantes. Le patrimoine naturel et archéologique des sols est également compromis.

Cette dégradation est due à un certain nombre de phénomènes, notamment l'érosion des sols, la baisse de leur teneur en matière organique, la contamination des sols et leur imperméabilisation (sols recouverts de surfaces imperméables). Ces phénomènes résultent d'activités humaines telles que l'occupation des terres, l'intensité d'utilisation des terres (reflétée notamment par la quantité d'éléments nutritifs utilisés sur les sols en milieu rural) et l'abandon des terres. Chacun de ces phénomènes a un impact sur les principales dimensions des terres: occupation/utilisation des terres, végétation et sol. Ils sont déterminants pour les réserves des ressources en terres et leur fonctionnement, ainsi que pour les flux de biens et de services qui en découlent. Ils affectent également la valeur intrinsèque de la terre et sa contribution au bien-être et à la qualité de vie des hommes.

Quelles sont les mesures prises pour s'attaquer à ces problèmes?

Les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies définiront des objectifs pour orienter les efforts mondiaux visant à résoudre les problèmes liés aux sols et aux terres. L'initiative GLII (Global Land Indicators Initiative) a été introduite dans ce contexte, en 2012, afin de développer un ensemble d'indicateurs mesurables à l'échelle mondiale, et comparables à long terme. Concentrée au départ sur les droits du sol, cette initiative ambitionne aussi d'influencer le Programme de développement pour l'après-2015. La composante environnementale est toutefois absente des indicateurs proposés. Pour pallier cette lacune, l'AEE et l'Institute for Advanced Sustainability Studies ont proposé des indicateurs sur les terres et les sols destinés à suivre la réalisation des ODD en termes d'évolution de l'occupation/utilisation des terres, de la productivité des terres et de la teneur du sol en carbone organique.

Comment l'AEE contribue-t-elle à cette action?

Nos travaux viennent à l'appui de l'élaboration des politiques de l'UE relatives aux sols et aux terres. À titre d'exemple, on peut citer la récente évaluation européenne de la capacité des sols à engendrer des acquis écosystémiques. Notre Programme de travail pluriannuel porte également sur l'utilisation efficace des ressources en terres, de l'évaluation des écosystèmes et de la comptabilisation du capital naturel.

Le concept d'utilisation efficace des ressources en terres explore l'équilibre entre l'offre de terres et les demandes fonctionnelles sur ces terres. Il est fondé sur le constat que les terres sont des ressources limitées et non renouvelables et mesure comment les changements d'affectation des terres, par exemple à des fins infrastructurelles et industrielles, affectent les services écosystémiques. Ce concept englobe également la notion de recyclage des terres en réponse à l'occupation des sols, en promouvant la réutilisation des terres qui ont été exploitées, mais ensuite abandonnées.

Des études sur l'équilibre entre les éléments nutritifs du sol, tels que l'azote et le phosphore, et des métaux tels que le cuivre, le zinc, le cadmium et le plomb, s'inscrivent dans le cadre des projets de l'AEE sur l'évaluation des écosystèmes et la comptabilisation du capital naturel. Les budgets nationaux et de l'UE ont été évalués en 2014, et l'agence étudie actuellement le dépassement des charges critiques matérialisées par les dépôts des émissions d'ammoniac dans le domaine de la biodiversité; les pertes d'azote et de phosphore par lessivage et ruissellement en ce qui concerne le domaine des eaux de surface et souterraines et l'absorption de cadmium en relation avec la qualité des denrées alimentaires.

L'AEE veut obtenir des données harmonisées sur ces sujets, qui permettraient de disposer de chiffres nationaux comparables pour toute l'Europe. Elle coopère avec le Centre commun de recherche (JRC), qui recueille des données sur les sols dans le cadre du mandat du Centre européen de données sur les sols. Les données sur les terres issues d'observations satellitaires proviennent des ensembles de données Corine Land Cover (CLC) et High Resolution Layers (HRL), y compris l'imperméabilisation.

Afin d'accroître la visibilité des terres et des sols, l'AEE a également créé un groupe d'indicateurs par thème. Il englobe actuellement l'occupation des terres, l'imperméabilité, la gestion des sites contaminés et la fragmentation des terres, et inclut des indicateurs dérivés des études sur le changement climatique, notamment la teneur en matière organique des sols, l'érosion des sols et l'humidité des sols.

Qu'en est-il de la politique en matière de terres et des sols?

La politique de l'Union relative aux terres et aux sols est fragmentée et les dispositions existantes dans les politiques régionale, agricole ou environnementale ne sont ni coordonnées ni complètes. La Stratégie thématique en faveur de la protection des sols 2006 est un document d'orientation exposant les raisons pour lesquelles des actions supplémentaires sont nécessaires afin de garantir un niveau élevé de protection des fonctions des sols et l'utilisation durable des sols. Toutefois, une directive-cadre sur les sols, proposée en 2006, a été retirée l'an dernier.

La Commission européenne prévoit d'analyser les politiques nationales et communautaires existantes qui se rapportent aux sols en vue de cerner leur efficacité, leur cohérence et leurs éventuelles lacunes. Elle vise ainsi à réagir au 7ème Programme d'action pour l'environnement, par lequel l'UE s'engage à utiliser et gérer les terres de manière durable et à protéger les sols, ainsi qu'à trouver le moyen de réaliser ces objectifs au mieux conformément aux principes de proportionnalité et de subsidiarité.

Au niveau mondial, les États membres des Nations unies devraient dégager un accord sur les ODD en septembre. Dans la formulation actuelle, les terres et les sols sont pris en considération dans plusieurs objectifs. Cependant, l'inversion de la tendance mondiale de perte des ressources en terres et en sols dépendra globalement de la mise en œuvre des ODD aux niveaux national et infranational.

Geertrui Louwagie

Interview publiée dans l'édition n°2015/2 de la lettre d'information de l'AEE, septembre 2015.

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